Bike culture

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(aan een vertaling wordt gewerkt!)

« Je dirige, une petite affaire appelée “Les vélos de Benjamin” spécialisée dans la fabrication à la main et sur mesure de cadres de vélo en acier, à New York. (…) Je suis tombé dans le cyclisme quand j’étais tout petit, et ça ne m’a jamais quitté. Je prends toujours autant de plaisir à faire du vélo que lorsque j’avais cinq ans (…). Je n’ai jamais envisagé le vélo comme une façon de vivre. Je ne fais pas du vélo pour rester en forme, même si ça doit aider. Je ne fais pas du vélo pour gagner des trophées, même si je comprends ceux qui le font. Je ne fais pas du vélo pour préserver l’environnement, même si c’est génial que j’y contribue. Je ne fais pas du vélo parce que je hais les voitures — j’adorerais avoir un cabriolet Lincoln Continental de 1966 ! Si je fais du vélo, c’est parce que cela me permet de ralentir et de voir le monde avec les yeux d’un enfant. »

Ce témoignage est extrait du beau livre que Chris Haddon a consacré aux amoureux du vélo. Le vélo a ses sous-cultures : vélo de course, de ville, tout-terrain, BMX, à pignon fixe, chopper,… l’amour du vélo se décline en nombreuses chapelles. De nouveaux lieux de culte se sont créés, associations, clubs, magasins, ateliers où les adeptes peuvent prolonger leur passion. La culture du vélo s’est fortement développée ces dernières années, surtout dans les pays nordiques et anglo-saxons, mais aussi en Asie, en Italie, en Amérique du Sud,… aficionados créent sans cesse de nouvelles tendances et font de nouveaux adeptes. Après une longue traversée du désert, la bicyclette est de nouveau « tendance ». La mode s’en est emparé, il y a un « chic » cycliste, dont on trouve des témoignages photographiques innombrables sur la Toile. Jusque chez nous.

Le concept est apparu en 2007, d’abord à Copenhague, pour désigner la pratique stylée du vélo, ou pour le dire autrement : la mode en tant qu’elle intègre la pratique du vélo. Le photographe et réalisateur danois Mikael Colville-Andersen fut le premier à lancer un blog intitulé « Copenhagen Cycle Chic ». « L’idée de départ est de montrer, jour après jour, des photos de cyclistes urbains en insistant sur le côté élégant des cyclistes, voire même fashionable, glamour, classieux, etc., mais tout en revendiquant une pratique quotidienne du vélo comme un réel mode de déplacement, et non pas comme un simple loisir du dimanche ou un sport extrême. » Cela concerne les vêtements, que le salaryman cycliste aime ne pas devoir cacher lorsqu’il arrive au bureau, ou les accessoires, humains (le casque, par exemple) ou vélo (la sonnette, les sacoches, etc.). Pour les adeptes, les casques profilés et les shorts rembourrés, le Lycra sont autant de fashion crimes qui méritent le bannissement à vie de la communauté des cyclistes élégants. Des ligues anti-spandex se forment. Le deuxième commandement du manifeste Cycle Chic de Bordeaux stipule : « Je suis un cycliste responsable qui contribue visuellement à un paysage urbain plus agréable esthétiquement ». Et le troisième est tout simplement un résumé de la démarche « cycle chic » : « Sans être particulièrement étiqueté comme un « activiste du vélo », je suis conscient que ma simple présence dans le paysage urbain inspirera d’autres personnes à pratiquer le vélo ». Ce souci d’élégance à deux-roues constitue un véritable marché, les créateurs et revendeurs l’ont bien compris, d’autant que de plus en plus de femmes se remettent en selle.

Parade et courses « retro » fleurissent un peu partout. La plus connue est sans doute la Tweed Run à Londres, où l’on pédale en costume de velours. Chez nous, le Retroronde refait pour les amateurs une partie du circuit du Tour des Flandres, mais il faut revêtir des maillots historiques, en gros des origines du cyclisme aux années septante, pareil pour les bécanes. En Wallonie, où la pratique du vélo ne décolle pourtant pas (ou alors timidement), la Vieille Boucle lustinoise est une course de vélo vintage assaisonnée d’une caravane d’ancêtres auto et moto, d’un rétro-camping, de concerts et d’un tas d’animations décalées, dans la région de Namur. Il ne s’agit pas toujours d’une course : la Savoureuse est une journée de balade à vélo vintage à travers les paysages du Condroz et de la Famenne, au départ de Ciney. Les ravitaillements se transforment en haltes gourmandes avec dégustation de produits du terroir. Même le vélo-cargo, qui a explosé à Bruxelles entre autres ces deux dernières années, à sa course chez nous : la Belgian Championship Cargobiking. Après deux éditions à Courtai, la dernière a eu lieu à Gand l’an dernier. Pour ceux qui veulent s’essayer au vélo-cargo, la Fête de la Charge, organisée durant la Journée sans voitures à Bruxelles, propose des démonstrations, tests et un concours: monter une des pires côtes de la ville lesté d’un deux ou trois bacs de bière… C’est que le vélo a généré toute une série de nouvelles disciplines, comme le bike-joering, pour n’en citer qu’une, aussi appelée cani-VTT, qui allie la course du chien et le vélocross…

La performance et la vitesse ne passionnent pas tous les cyclistes. Par nature, le vélo appartient plutôt au mouvement « lent ». On avait déjà le slow food, la slow fashion, le slow sex… il manquait le slow biking. Le Slow Bicycle Movement est né à Copenhague en 2008. Il n’y a pas de définition unique du slow bike. C’est plus une sorte d’éveil des sens, une sensibilisation à son environnement, aux paysages, au calme – plus qu’à la lenteur, du moins si l’on considère celle-ci comme le négatif de la vitesse. Le Slow Bike, c’est aussi la possibilité d’emprunter des chemins de traverse, opter pour le parcours alternatif, l’interstice, l’inattendu, c’est ne pas réduire son voyage à un « déplacement », faire de son parcours un moment à soi, pour soi, un moment de réflexion. C’est voir les choses sous un autre angle, celui de la lenteur, du silence, du contact physique avec l’environnement, qui permet de voir ce que le bruit et la fureur du quotidien ne permet plus d’appréhender.

Que serait l’histoire du vélo sans la photographie. Si les amoureux du deux-roues adorent se faire photographier, ils aiment aussi passionnément le cinéma. Depuis 2001, ils ont même leur festival, le Bicycle Film festival, à New York. Il se décline désormais dans une trentaine de villes partout dans le monde : Québec, Mexico, Milan, etc. Moment incontournable pour tous ceux pour qui le vélo est un mode de vie, ou pour tous ceux qui sont curieux de le découvrir, le festival permet de souder les liens qui unissent les membres de la « bike community ». Celle-ci se décline en sous-cultures, parfois les plus étonnantes. Il existe ainsi tout un réseau d’adeptes du pignon fixe, « fixie » pour les intimes. Un fixie est un vélo sans vitesse qui voit le pignon de sa roue arrière fixe. Sur un vélo en pignon fixe, le cycliste est en permanence en train de pédaler. Un premier spécialiste du vélo à pignon fixe a même ouvert à Pékin. Des magasins spécialisés, des clubs de randonnée, des ateliers, des cafés cyclos existent pour répondre aux besoins des passionnés tous genres confondus.

Car les cyclos forment un réseau, qui se charpente désormais sur la Toile. Et en suit les évolutions. On peut ainsi utiliser le réseau mondial de douche (et d’hébergement) gratuite chez l’habitant pour les cyclo-randonneurs suintants. Moins désintéressé, il existe de nombreux systèmes de location de vélo « peer-to-peer », de style Uber. Ça existe un peu partout, aussi chez nous avec Rent my Bike (pour l’instant seulement en néerlandais). Parce qu’il a le vent en poupe, le vélo intéresse les marchands de tous poils, ils existe désormais des assureurs spécialisés en vélo, des agences de voyages… Mais la culture vélo, ce n’est pas que du business, ou la récupération par le business. C’est aussi l’activisme, une sorte de « propagande par le fait » en faveur d’un mode de vie plus soutenable, et des actions en ce sens. Les « masses critiques » sont des manifestations à bicyclettes (ou tout autre moyen de transport sans moteur, tels les patins, les planches à roulettes, etc.), organisée simultanément le dernier vendredi du mois dans plus d’une centaine de villes dans le monde. Le mouvement a démarré à San Francisco en 1992. Leur ampleur peut varier d’une centaine à quelques milliers de participants dans chaque ville. Elles se déroulent en milieu essentiellement urbain. Le concept de « masse critique » n’est que très librement inspiré du concept homonyme en physique. Il semble qu’il vienne d’une observation du trafic routier en Chine, où sans feux de signalisation aux croisements, les cyclistes attendent d’être assez nombreux, de faire masse pour s’engager et traverser ensemble. On retrouve une scène de ce genre dans le documentaire de Ted White Return of the Scorcher (1992).

Le peu de place laissé aux vélos dans l’espace public, comparativement à celle accordée aux bagnoles, est l’une des raisons d’être des masses critiques. C’est également un des aspects des revendications portées par les « cyclonudistas », évènements qui ont aujourd’hui une ampleur internationale : des dizaines de villes en organisent, même chez nous à Bruxelles, où les cyclonudistes ne sont pas toujours à la fête en raison de la météo. Parfois, ce sont les pouvoirs publics qui se lancent dans l’organisation d’évènements qui entendent encourager l’usage et la culture du vélo. Ce sont les Journées sans voitures ou encore les « Ciclovia ». À Gand, l’initiative « Velodroom » rassemble des voisins, parents et écoliers, ainsi que leurs professeurs, de plusieurs écoles primaires de l’arrondissement. Ensemble, ils réfléchissent aux moyens à mettre en œuvre pour rendre les déplacements des enfants, à pied ou à vélo, plus plaisants et plus sûrs. Que ce soit dans la ville des Comtes de Flandre ou ailleurs, des associations de ce type fleurissent un peu partout, qui tentent de développer une approche ascendante (dite « bottom-up process », c.-à-d. qui part du « bas », du détail) des problèmes spécifiques posés par la circulation cycliste dans une aire donnée.

Peu à peu la culture du vélo façonne une nouvelle conscience écologique. En attendant de refaçonner nos espaces, urbains et ruraux, selon une échelle plus humaine et plus soutenable.

À lire

Frédéric Héran, « Le retour de la bicyclette. Une histoire des déplacements urbains en Europe, de 1817 à 2050 », La découverte, Paris, 2014.

Chris Haddon, « Vive le vélo ! », photos de Lyndon McNeil, trad. fr., Hoëbeke, Paris, 2013.

« Velo Bicycle Culture and Design », dir. Robert Klanten & Sven Ehmann, Gestalten Verlag, Berlin, 2010.

Laurent Belando, « Vélos urbains. De la roue libre au fixie », Tana Editions, Paris, 2015.

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